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Notes d'allocution pour Sarah Paquet, Directrice et présidente-directrice générale, Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada lors de la conférence canadienne de l'Association of Certified Fraud Examiners

Du : Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE)

Allocution

Discours virtuel
Les 8 et 9 novembre 2021

L'allocution prononcée fait foi

Introduction

Bonjour. Je tiens à remercier l'Association of Certified Fraud Examiners grâce à qui je m'adresse à vous ce matin.

À titre de plus grande organisation de lutte contre la fraude au monde et de fournisseur de premier plan en matière de formation et de sensibilisation à ce sujet, l'association joue un rôle clé pour aider à prévenir, à détecter et à dissuader la commission de fraudes au Canada et partout sur la planète.

Avant de commencer, je souhaite souligner que mon discours sera prononcé à partir du territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin Anishnaabeg.

Je suis très heureuse d'avoir la chance de m'exprimer devant la communauté des examinateurs certifiés en fraude. Le présent rassemblement est une excellente occasion d'échanger des connaissances et pratiques exemplaires ainsi que de renforcer les partenariats qui sont si cruciaux à la lutte contre la fraude et le crime financier de manière générale.

Aujourd'hui, je souhaite offrir un aperçu du régime canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes, ainsi que du mandat unique que CANAFE remplit pour celui-ci.

Je mettrai d'ailleurs un accent particulier sur notre rôle et notre contribution dans la lutte contre la fraude. Les activités frauduleuses, quelle qu'en soit la forme, comme le marketing de masse, la fraude hypothécaire ou les arnaques romantiques, ont une chose en commun : une soif d'argent.

Je vous présenterai par la suite quelques types de fraudes liées à la pandémie que nous avons observées grâce aux déclarations reçues des entreprises assujetties à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.

Finalement, je traiterai des résultats obtenus dans le cadre du projet CHAMELEON, notre partenariat public-privé innovant auquel participent les institutions financières et organismes d'application de la loi du Canada, ainsi que CANAFE, afin de combattre les arnaques romantiques en suivant la piste de l'argent.

Comme vous le verrez, le renseignement financier est un outil très puissant pour détecter et cibler ce type de crime axé sur le gain financier.

Comme a déclaré un ancien directeur du FBI, la plus grande faiblesse des fraudeurs réside en leur certitude que leur stratagème est trop astucieux pour être détecté.

En travaillant en partenariat, nous pouvons nous assurer d'avoir une longueur d'avance sur même les plus futés des fraudeurs, et ainsi de protéger notre population, nos entreprises et notre système financiers.

Rôle de CANAFE au sein du régime canadien de lutte contre le BA/FAT

Le gouvernement du Canada a établi un régime robuste et complet pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes, des crimes qui menacent la sécurité des Canadiens et Canadiennes ainsi que des communautés au pays et d'ailleurs dans le monde.

Ce régime est mené par le ministère des Finances Canada et regroupe 13 ministères et organismes fédéraux, dont la Gendarmerie royale du Canada, CANAFE, l'Agence des services frontaliers du Canada, l'Agence du revenu du Canada, le Service canadien du renseignement de sécurité et le Service des poursuites pénales du Canada.

Les organismes d'application de la loi provinciaux et municipaux, le secteur financier provincial et d'autres organismes de réglementation participent également à la lutte contre ces activités illicites.

Au sein du secteur privé, plus de 24 000 entreprises, dont des cabinets comptables, des banques, des casinos, des entreprises de services monétaires, des promoteurs immobiliers et des courtiers en valeurs mobilières, jouent un rôle de première ligne essentiel aux efforts du Canada pour prévenir et détecter le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes.

Le Groupe d'action financière, qui établit les normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes, a récemment souligné les efforts déployés par le Canada pour renforcer son régime et a donc attribué de meilleures cotes d'évaluation de celui-ci.

En tant qu'organisme de réglementation du Canada en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes, CANAFE doit veiller à ce que les entreprises respectent leurs obligations prévues par la loi, dont celles d'établir un programme de conformité, de vérifier l'identité de leurs clients, de tenir des registres et de déclarer certains types d'opérations financières, comme les télévirements internationaux et les opérations douteuses.

Le respect de l'ensemble des obligations législatives et réglementaires revêt un rôle essentiel lorsqu'il s'agit de dissuader les criminels et les terroristes de mener leurs activités au sein de l'économie légale du Canada.

Le simple fait de vérifier l'identité des clients lorsqu'ils effectuent une opération ou ouvrent un compte suffit à les décourager, car cette mesure élimine l'anonymat des opérations. De plus, puisque les opérations sont alors consignées, il est possible de les retracer plus tard, au besoin, à des fins de preuve.

La conformité à la loi nous permet aussi de nous assurer, à titre d'unité du renseignement financier du Canada, de recevoir l'information dont nous avons besoin pour produire des renseignements financiers utiles aux organismes d'application de la loi et de sécurité nationale du Canada. Cette information comprend des renseignements sur des criminels et des réseaux criminels potentiels qui, jusqu'alors, étaient possiblement inconnus.

Grâce à l'information obtenue auprès des entreprises canadiennes, nous avons pu transmettre, l'année dernière, plus de 2 000 communications de renseignements financiers exploitables en soutien à des enquêtes criminelles liées au blanchiment d'argent, au financement des activités terroristes et à des menaces à la sécurité du Canada.

À ce nombre s'ajoutent plus de 21 000 communications de renseignements financiers que CANAFE a produits depuis le début de ses activités en 2001.

Souvent fondées sur des centaines ou même des milliers d'opérations financières, nos communications contiennent des renseignements financiers sur une personne, un réseau de personnes ou des entités soupçonnés de blanchiment d'argent. Cette information peut permettre d'établir des liens entre des personnes et des entreprises qui peuvent avoir échappé aux enquêteurs, ainsi que d'aider ces derniers à affiner la portée de leurs enquêtes ou de diriger leur attention vers d'autres cibles. L'information sert aussi aux organismes d'application de la loi à préparer des affidavits en vue d'obtenir des mandats de perquisition et des ordonnances de communication.

Nous transmettons souvent nos communications de renseignements à plusieurs organismes à la fois, lorsque nous sommes autorisés à le faire. Cela signifie que nous pouvons aider les organismes d'application de la loi et de sécurité nationale du Canada à lier des activités criminelles entre plusieurs territoires en suivant la piste de l'argent.

Un nombre record de ces organismes cherchent à obtenir nos renseignements financiers. L'année dernière, nous avons reçu plus de 2 100 déclarations de renseignements transmis volontairement d'organismes d'application de la loi et de sécurité nationale du Canada. Ces déclarations contiennent de l'information sur de présumés criminels et financiers du terrorisme et sont fréquemment le point de départ de nos analyses et des renseignements financiers que nous produisons et communiquons.

De nombreux destinataires de nos communications de renseignements financiers nous ont affirmé qu'ils ne commenceraient aucun projet d'enquête d'importance sans faire appel à nous.

L'année dernière, nos renseignements financiers ont contribué à 376 enquêtes majeures exigeantes en ressources ainsi qu'à des centaines d'autres enquêtes individuelles aux niveaux municipal, provincial et fédéral partout au pays.

Par exemple, la section des crimes financiers de la Gendarmerie royale du Canada dans la région du Grand Toronto a souligné la contribution de CANAFE l'année dernière au projet OCTAVIA, projet qui a mené à l'arrestation de deux personnes pour fraude et blanchiment d'argent présumés en lien avec diverses arnaques téléphoniques transnationales, comme de la fraude relative à l'impôt liée à l'Agence du revenu du Canada, de la fraude liée à de fausses enquêtes bancaires et de la fraude liée à un faux soutien technique.

Entre 2014 et 2019, la fraude relative à l'impôt liée à l'Agence du revenu du Canada a entraîné des pertes de près de 17 millions de dollars auprès des victimes. Quant à celles liées à de fausses enquêtes bancaires et à un faux soutien technique, le montant s'élèverait à plus de 30 millions de dollars.

Il est facile de reconnaître le tort énorme causé aux personnes ayant perdu des milliers de dollars, parfois même les économies d'une vie, en raison de ces stratagèmes frauduleux.

Lutte contre le blanchiment d'argent lié à la fraude

De toutes les communications de renseignements financiers que nous avons transmises l'année dernière aux organismes d'application de la loi et de sécurité nationale, 35 %, c'est-à-dire plus de 700, étaient associées au blanchiment de produits de la criminalité présumés dont la source était liée à la fraude.

Les données précédentes sont assez constantes d'une année à l'autre, puisque les infractions liées à la fraude et aux stupéfiants sont généralement les premières ou les deuxièmes infractions sous-jacentes les plus communes en matière de blanchiment d'argent.

Selon l'Évaluation des risques inhérents au recyclage des produits de la criminalité et au financement des activités terroristes au Canada de 2015, quatre types de fraudes représentent la plus grande menace en matière de blanchiment d'argent au pays : la fraude par marketing de masse, la fraude liée aux marchés financiers, la fraude commerciale et la fraude hypothécaire.

La fraude par marketing de masse est reconnue pour être très répandue au Canada, et les arnaques qui y sont associées sont de plus en plus fréquentes et sophistiquées. Localisées principalement à Toronto, à Montréal, à Vancouver, à Edmonton et à Calgary, les arnaques de marketing de masse les plus courantes portent sur des prix ou des offres d'emploi et de service frauduleux, ou encore comprennent l'extorsion. La majorité de la fraude par marketing de masse associée au Canada est menée par des groupes criminels organisés.

En mars dernier, le service de police de Toronto a souligné l'aide que CANAFE a apporté à une enquête d'un an nommée le projet DROP sur une fraude liée à l'emploi. Celle-ci a mené à l'exécution de mandats de perquisition, à l'arrestation de quatre personnes et à la saisie de matériel servant à la contrefaçon de chèques, d'appareils électroniques et de cartes SIM qui auraient servi à envoyer des textos de marketing de masse pour des offres d'emploi comme coursier livrant des prêts pour une petite entreprise de crédit située à Toronto.

Les victimes recevaient comme instruction de récupérer et de déposer ce qu'elles croyaient être de véritables chèques d'entreprise, puis de remettre des fonds à d'autres personnes en espèces, en bitcoins ou par télévirement. Il a été révélé par la suite que tous les chèques étaient en fait des faux bien faits.

La fraude liée aux valeurs mobilières est également répandue au Canada. Elle comprend l'abus de confiance en matière d'investissement et d'autres formes de fraude liée aux inconduites concernant les marchés financiers, comme la manipulation du marché et les délits d'initié illégaux. Plus du quart des Canadiens et Canadiennes croit qu'on leur aurait fait une offre d'investissement frauduleuse.

La majorité des fraudes de grande envergure liées aux valeurs mobilières au Canada est réalisée par des professionnels criminalisés qui possèdent un droit de pratique et une expertise financière. La perpétration de fraudes liées aux marchés financiers, en particulier les stratagèmes nationaux et internationaux les plus considérables et élaborés, comme les arnaques à la Ponzi, nécessitent une grande connaissance et une grande expertise ainsi qu'un accès à un réseau de facilitateurs, qu'ils soient volontaires ou non.

En septembre 2020, la Police provinciale de l'Ontario a souligné la contribution de CANAFE à une enquête sur une complexe arnaque à la Ponzi. L'on faisait croire aux victimes qu'elles allaient recevoir une redevance pour chaque achat effectué à des terminaux de point de vente.

Plus de 500 victimes connues ont subi des pertes totalisant plus de 24 millions de dollars depuis le début de l'arnaque en 2012 à Barrie, en Ontario. Toutefois, l'on estime que l'accusé a soutiré plus de 56 millions de dollars de ses victimes qui croyaient réaliser un investissement légitime. Des accusations de fraude de plus de 5 000 dollars et de recyclage des produits de la criminalité ont été déposées contre l'auteur de l'arnaque.

La fraude commerciale est couramment réalisée par des groupes et réseaux criminels organisés transnationaux qui sont généralement sophistiqués et compétents. Ceux-ci possèdent les connaissances, l'expertise et les relations internationales nécessaires pour manipuler de multiples chaînes commerciales et véhicules de financement commercial, et ils exercent souvent leurs activités au moyen d'entreprises légitimes ou de sociétés-écrans.

La fraude hypothécaire se produit aussi au Canada, en particulier dans les grands centres urbains du Québec, de l'Ontario, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique. Ses stratagèmes servent fréquemment à faciliter d'autres activités criminelles ou simplement à faire de l'argent. La vaste majorité de la fraude hypothécaire au Canada est réalisée par des groupes criminels organisés qui s'appuient habituellement sur la collaboration volontaire ou non de professionnels du secteur de l'immobilier, dont des agents, des courtiers, des évaluateurs et des avocats.

L'année dernière, la Police provinciale de l'Ontario a souligné la contribution de CANAFE au projet SOUTHAM, une enquête de 15 mois sur des groupes criminels établis dans la région du Grand Toronto qui auraient importé de grands volumes de cocaïne au Canada aux fins de trafic. Ces groupes auraient aussi participé à d'autres activités criminelles, dont la fraude hypothécaire.

Au cours de l'enquête, la police a saisi, entre autres, 92 kilogrammes de cocaïne, 21 litres de GHB, un pistolet, plus de 370 000 dollars en coupures canadiennes et une grande quantité de cryptomonnaies. En tout, 22 personnes ont été accusées de 139 infractions, dont celle d'avoir recyclé des produits de la criminalité.

Pour les groupes criminels organisés, tout revient à l'argent, et la diversification de leurs activités illicites est une pratique courante et essentielle qui leur permet de faire du profit.

Fraude liée à la pandémie mondiale de COVID-19

Le renseignement financier de CANAFE a été plus important que jamais alors que les criminels ont cherché à tirer profit de la pandémie pour s'enrichir et faire avancer leurs projets illicites.

L'année dernière, nous avons transmis plus de 320 communications de renseignements financiers exploitables en lien avec le blanchiment des produits de la fraude, de la corruption et d'autres crimes financiers directement associés à la crise.

De plus, grâce aux déclarations que nous avons obtenues d'entreprises canadiennes et à des techniques de recherche et d'analyse, nous avons produit des renseignements financiers stratégiques en lien avec la pandémie mondiale utiles aux organismes d'application de la loi, à la communauté du renseignement, aux partenaires du régime et aux décideurs politiques du Canada.

Dans les premiers mois de la pandémie, CANAFE a publié un Bulletin spécial sur la COVID-19 : Tendances en matière de blanchiment d'argent et de fraude dans le but d'aider les entreprises, les partenaires et les intervenants à repérer les risques accrus de blanchiment d'argent associés à la crise.

Fondé sur les déclarations d'opérations douteuses des entreprises et de l'analyse des déclarations de fraude du Centre antifraude du Canada, le bulletin spécial met en lumière les nouveaux secteurs visés par les criminels et les groupes criminels organisés, ainsi que ceux qui sont maintenant plus largement visés par ces derniers, pour la commission d'un éventail de crimes liés à la fraude afin d'en tirer profit.

Par exemple, la pandémie a offert de nouvelles occasions pour les criminels dans le secteur des monnaies virtuelles au Canada et à l'étranger. Les faussaires se sont concentrés sur la vente de fausses trousses de dépistage à domicile de la COVID-19 et de faux médicaments contre la maladie, en plus d'offrir des conseils non fondés et souvent faux sur le traitement de la COVID‑19 à partir d'Internet et du Web clandestin, en ayant recours à des opérations en monnaies virtuelles.

L'utilisation accrue des services en ligne durant la pandémie a également augmenté le risque lié à la cybercriminalité. Les cybercriminels exploitent la situation actuelle pour cibler des personnes, des entreprises et des entités au moyen de versions adaptées à la réalité de la pandémie de COVID-19 de fraudes populaires par hameçonnage et par chantage. Ces dernières invitent de plus en plus les victimes à envoyer des dons et des paiements pour rançon en monnaie virtuelle.

De toutes les déclarations pour des arnaques liées aux marchandises transmises l'année dernière au Centre antifraude du Canada, 80 % concernaient l'achat de masques faciaux par des personnes qui n'ont jamais reçu les produits en question, ou qui en ont reçu de qualité inférieure ou contrefaits, ou encore la vente par des fournisseurs de toutes sortes d'équipements de protection individuelle que leurs clients n'ont jamais reçus ou qu'ils ont reçus, mais de qualité inférieure ou contrefaits.

Des arnaques courantes d'hameçonnage utilisent des appels téléphoniques, des courriels et des textos au moyen desquels les criminels prétendent être représentants pour l'assurance-emploi, la prestation canadienne d'urgence, l'Agence de la santé publique du Canada ou d'autres entreprises.

Les victimes étaient fréquemment invitées à cliquer sur un lien ou à ouvrir une pièce jointe contenant logiciel malveillant, ou à se rendre sur un site Web piraté demandant leurs renseignements personnels et financiers. La majorité des déclarations transmises au Centre antifraude du Canada et portant sur le vol d'identité indiquaient que les renseignements personnels des victimes étaient utilisés pour faire des demandes de prestations canadiennes d'urgence.

Tout au long de la pandémie mondiale, CANAFE a aussi produit des renseignements financiers stratégiques classifiés pour les organismes d'application de la loi et de sécurité nationale du Canada, ainsi que certains ministères fédéraux, afin de les informer sur les divers types d'activités frauduleuses visant les programmes de prestations du gouvernement fédéral, en particulier les prestations canadiennes d'urgence et les comptes d'urgence pour les entreprises canadiennes.

Ces renseignements financiers stratégiques sont fondés sur une analyse de milliers de déclarations d'opérations douteuses transmises par des entreprises tout au long de la pandémie mondiale. Bien que je ne puisse pas donner trop de détails lors d'un événement ouvert comme celui auquel nous participons actuellement, je peux vous brosser un portrait de ce que nous observons en lien avec le ciblage criminel de ces programmes associés à la pandémie.

Au niveau individuel, nous avons constaté que la fraude prend généralement la forme suivante : une personne ne répondant pas aux critères d'admissibilité aux prestations canadiennes d'urgence en fait la demande et finit par en recevoir. Ces demandes frauduleuses étaient soumises entre autres par des personnes qui étaient déjà sans emploi avant l'éclosion de la COVID-19, des personnes qui travaillaient toujours à temps plein et qui recevaient un revenu, et des personnes ne résidant pas au Canada qui, selon les déclarations, habitent des territoires soulevant des préoccupations.

Les personnes qui tentent de frauder le programme de prestations canadiennes d'urgence semblent utiliser le même stratagème : soumettre de nombreuses demandes en ligne pour recevoir des prestations en utilisant des renseignements personnels et des numéros d'assurance sociale volés. Ainsi, l'identité des personnes admissibles ou non aux prestations canadiennes d'urgence a été usurpée. Les fraudeurs achètent alors souvent une carte prépayée à chargement unique qu'ils transforment en carte rechargeable, puis font en sorte que les fonds soient directement déposés sur celle-ci.

Grâce aux déclarations d'opérations douteuses, nous avons également conclu que les organisations criminelles semblent utiliser les mêmes méthodes que les fraudeurs seuls, c'est‑à‑dire d'effectuer de nombreuses demandes au moyen de multiples identités volées. La différence réside dans leur tendance à embaucher des groupes de personnes pour encaisser à divers emplacements les chèques des prestations.

Les activités frauduleuses ciblant les prestations canadiennes d'urgence et les comptes d'urgence pour les entreprises canadiennes ont été peu nombreuses comparativement aux millions de Canadiens et Canadiennes auxquels ces programmes ont apporté une aide grandement nécessaire.

Toutefois, cette situation prouve une fois de plus à quel point les criminels sont déterminés à exploiter n'importe quelle occasion pour s'enrichir, peu importe le mal causé à la population et aux entreprises du Canada.

Résultats obtenus au moyen des partenariats public-privé

C'est seulement en travaillant ensemble et avec des intervenants clés, comme vous qui êtes présents aujourd'hui, pour soutenir le régime canadien de lutte contre le blanchiment d'argent que nous pourrons protéger efficacement notre population, nos entreprises et notre système financier contre la fraude.

Les meilleurs exemples de la grande collaboration qui règne actuellement au sein du régime sont nos innovants et fructueux partenariats public-privé.

Ces partenariats visent à combattre avec une plus grande efficacité l'exploitation sexuelle des enfants en ligne, le blanchiment d'argent en Colombie-Britannique et au Canada, la traite de personnes aux fins du commerce du sexe, le trafic illicite de fentanyl et les arnaques romantiques.

En travaillant avec les entreprises et organismes d'application de la loi au Canada, nous sommes devenus plus à même de suivre la piste de l'argent afin d'identifier des suspects potentiels, de révéler des liens financiers élargis et de fournir des renseignements pour faire progresser des projets d'enquête au niveau national.

Un de nos premiers partenariats public-privé est le projet CHAMELEON. Lancé en 2017, celui-ci est axé sur le recyclage des produits de la criminalité découlant des arnaques romantiques, des activités abjectes qui ont coûté à de nombreuses personnes âgées ou vulnérables du Canada les économies d'une vie.

Les arnaques romantiques comportent habituellement l'expression de fausses intentions romantiques par les criminels envers leurs victimes pour gagner leur confiance et leur affection, puis d'en abuser afin d'accéder à leur argent, à leurs comptes bancaires et à leurs cartes de crédit. Dirigé par la HSBC, le projet CHAMELEON mobilise les entreprises, CANAFE et des organismes d'application de la loi avec comme objectif d'identifier les criminels et d'aider à protéger les victimes et leur argent.

En 2018-2019, après consultation avec la HSBC et le Centre antifraude du Canada, CANAFE a publié une alerte opérationnelle comprenant des indicateurs de blanchiment d'argent en lien avec les arnaques romantiques afin d'aider les entreprises canadiennes à repérer cette activité illicite et à déclarer les opérations douteuses.

Grâce à l'augmentation du nombre de déclarations reçues par CANAFE, nous avons transmis près de 400 communications de renseignements financiers exploitables à des organismes d'application de la loi pour aider à combattre les arnaques romantiques depuis le lancement du projet CHAMELEON.

Dans beaucoup de cas, nous sommes parvenus à lier des criminels qui effectuaient des opérations avec de nombreuses victimes à partir des déclarations provenant de différentes institutions financières. Les déclarations d'opérations douteuses que CANAFE a reçues d'entreprises ont également permis d'avoir un meilleur portrait des réseaux d'arnaques romantiques actifs au Canada et à l'étranger. Laissez-moi vous donner deux exemples.

En septembre 2020, la Sûreté du Québec a souligné l'aide que nous lui avons apportée dans le cadre d'une enquête ayant mené au démantèlement d'un vaste réseau d'arnaques romantiques qui a soutiré à environ une cinquantaine de victimes, en grande partie des personnes âgées, plus de deux millions de dollars sur plusieurs années. En tout, 12 personnes ont été accusées de fraude et de dissimulation, dont celle à la tête du réseau et deux complices.

En soulignant la contribution de CANAFE au projet KONCLAVE en 2019, la Gendarmerie royale du Canada a insisté sur la très grande utilité des 9 communications de renseignements du Centre pour ses enquêtes et parce qu'elles lui ont permis de découvrir que bien plus de 70 personnes n'avaient pas conscience d'être victimes d'arnaques romantiques qui selon toute vraisemblance auraient couru à leur ruine financière.

Le renseignement financier est un très puissant outil. En suivant la piste de l'argent dans le cadre du projet CHAMELEON, nous obtenons des résultats concrets et significatifs dans la détection et le ciblage des criminels s'adonnant aux arnaques romantiques et dans la protection de certains membres de notre société parmi les plus vulnérables.

Appel à l'action

Depuis le début de la pandémie mondiale, nous avons constaté que nous allons continuer d'être confrontés à des stratagèmes frauduleux de plus en plus sophistiqués et à des criminels toujours aussi opportunistes et déterminés à faire un profit, souvent au détriment de la population et des entreprises du Canada.

Nous devons être tout aussi déterminés à suivre la piste de l'argent pour détecter les activités illicites et à cibler les criminels et les groupes criminels organisés qui les exercent. Toutefois, nous ne pouvons pas y parvenir seuls : nous avons besoin de votre aide.

Pour ceux d'entre vous qui travaillent pour des entreprises assujetties à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, nous avons besoin que vous continuiez à remplir vos obligations, en particulier lorsqu'il s'agit de soumettre des déclarations d'opérations douteuses à CANAFE. Ces dernières sont essentielles, car elles sont à la base du renseignement financier que nous produisons pour les organismes d'application de la loi et de sécurité nationale du Canada, ainsi que pour nos homologues à l'échelle internationale.

Pour ceux d'entre vous qui représentent des organismes d'application de la loi, nous avons besoin que vous continuiez de soumettre à CANAFE des déclarations de renseignements transmis volontairement. Comme je l'ai mentionné précédemment, ces déclarations contiennent de l'information sur de présumés criminels et financiers du terrorisme et sont fréquemment le point de départ de nos analyses et des renseignements financiers que nous produisons et communiquons.

Pour ceux d'entre vous qui ne font pas partie du régime canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes, mais qui, en raison de votre travail comme examinateurs certifiés en fraude, souhaitent faire part de leurs soupçons à l'égard d'activités de blanchiment d'argent lié à la fraude, vous pouvez faire des déclarations sur le portail Web de notre site Internet. Nous traiterons l'information ainsi transmise comme si elle provenait d'un organisme d'application de la loi.

Nous avons tous un intérêt et un rôle à jouer dans la lutte contre la fraude et dans la protection de notre population, de nos entreprises et de notre système financier. Votre aide et l'information que vous nous transmettez sont essentielles au renseignement financier que nous produisons pour les organismes d'application de la loi.

Travaillons tous ensemble pour garder une longueur d'avance sur les fraudeurs.

Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé ce matin et vous souhaite une conférence des plus productives.

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