Alerte opérationnelle : La République populaire démocratique de Corée utilise le système financier international à des fins de blanchiment d'argent et de financement des activités terroristes
FINTRAC-2017-OA001
Le 12 décembre 2017
Les Alertes opérationnelles contiennent des indicateurs d'opérations financières douteuses et des facteurs de risque élevé à jour liés à des méthodes précises de blanchiment d'argent et de financement des activités terroristes qui revêtent une certaine importance, soit parce qu'elles sont nouvelles, qu'elles refont surface ou qu'elles présentent un défi particulier dans le cas de méthodes qui existent depuis longtemps.
Diffusion : À toutes les entités déclarantes qui offrent des services de virements électroniques de fonds.
Mise en évidence du type de déclaration d'opérations douteuses : Afin d'accélérer le processus de communication de renseignements financiers de CANAFE, veuillez ajouter le sigle suivant dans le champ G1 – Description de l'activité douteuse de la déclaration d'opérations douteuses : *RPDC
Contexte
La présente Alerte opérationnelle vise à informer les entités déclarantes canadiennes des caractéristiques, des indicateurs et des secteurs de risque en matière de blanchiment d'argent et de financement des activités terroristes (BA/FAT) liés aux activités présumées de BA/FAT de la République populaire démocratique de Corée (RPDC).
À la lumière des nombreuses résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU), qui imposent des sanctions s'appliquant à des personnes et à des entités ainsi qu'à diverses activités financières et économiquesNote de bas de page 1, le Canada a aussi décidé de mettre en place des sanctions contre la Corée du Nord. Les sanctions ont été imposées à la Corée du Nord en vertu de la Loi sur les Nations Unies et de la Loi sur les mesures économiques spécialesNote de bas de page 2. Le Règlement d'application des résolutions des Nations Unies sur la République populaire démocratique de Corée (RPDC) intègre les sanctions du CSNU imposées à la Corée du Nord dans le droit canadienNote de bas de page 3. La réglementation canadienne sur les sanctions unilatérales, soit le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la République populaire démocratique de Corée, prévoit, entre autres, une interdiction d'offrir des services financiers à la Corée du Nord et à toute personne qui s'y trouve, en vertu de la Loi sur les Nations Unies et de la Loi sur les mesures économiques spécialesNote de bas de page 4.
Concurremment à la présente Alerte opérationnelle, CANAFE a également publié un avis à l'intention des entités déclarantes qui participent à des opérations en lien avec les pays visés par une déclaration publique du Groupe d'action financière (GAFI) parce qu'ils ont des lacunes importantes dans leur régime de lutte contre le BA/FAT. Le 3 novembre 2017, le GAFI a réitéré ses préoccupations au regard des risques de financement illicite que présente la Corée du Nord, qui fait donc toujours l'objet d'un avis de CANAFENote de bas de page 5.
Contexte stratégique
En raison du large éventail de sanctions globales à l'encontre du pays, les entreprises de la Corée du Nord se sont vu interdire un accès direct au système financier international, y compris au système financier canadien. Par conséquent, ces entreprises font souvent appel à des intermédiaires à l'extérieur de la Corée du Nord pour mener leurs activités. Le but premier de ces intermédiaires est de faciliter l'accès à des biens et à des services financiers et, dans un même temps, de déguiser le rôle que jouent les personnes et les entités nord-coréennes à titre de demandeurs ou de bénéficiaires des opérations.
Le contournement de ces sanctions étant un crime sous-jacent, tout produit généré pourrait être blanchi. Les méthodes dont se servent ceux qui cherchent à contourner les sanctions imposées à la Corée du Nord comportent les mêmes caractéristiques que celles utilisées pour blanchir des fonds ou financer des activités terroristes. Ainsi, il peut s'avérer difficile de faire la distinction entre le contournement des sanctions et le blanchiment des produits qui en découlent.
Motifs raisonnables de soupçonner et façon d'utiliser les indicateurs
Les criminels déguisent leurs méthodes de blanchiment d'argent dans l'espoir que leurs opérations se fondent dans la masse des opérations financières réalisées dans le cours normal des activités. Ainsi, bien qu'il ne soit pas nécessaire de prouver que des activités de blanchiment d'argent ont vraiment eu lieu, il faut plus qu'une « intuition » ou plus qu'un « pressentiment » pour décider s'il y a lieu ou non de déclarer une opération douteuse, réelle ou tentée, à CANAFE. Les entités déclarantes doivent prendre en considération les faits liés à l'opération et au contexte, qui, lorsqu'ils sont regroupés, donnent lieu à des motifs raisonnables de soupçonner qu'une opération est liée au recyclage ou à une tentative de recyclage de produits de la criminalité. Les indicateurs de blanchiment d'argent peuvent être considérés comme des signes d'alerte laissant présager la possibilité que quelque chose ne tourne pas rond. Les signes d'alerte se manifestent habituellement par un ou plusieurs comportements, caractéristiques, structures et autres facteurs contextuels liés aux opérations financières qui les font apparaître incohérentes par rapport à ce à quoi on s'attendrait ou ce que l'on considérerait comme étant normal. L'analyse de la piste des indicateurs peut mener à différents scénarios et à différentes conclusions, selon que le niveau de soupçon est renforcé ou affaibli.
Lorsqu'une entité déclarante conclut qu'en examinant la même information, une autre personne possédant une expérience, une formation ou des connaissances semblables en arriverait probablement à la même conclusion, c'est-à-dire qu'il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu'une opération financière, réelle ou tentée, est liée à des fonds illicites, elle doit alors déclarer une opération douteuse à CANAFE. Elle doit étayer dans ses déclarations ses motifs de soupçon et fournir les détails et les faits liés aux indicateurs sur lesquels ils reposent. Pour transmettre une déclaration d'opérations douteuses, il faut qu'une opération financière, réelle ou tentée, ait eu lieu, et que les indicateurs pertinents fassent naître des soupçons de blanchiment d'argent en lien avec cette opération. La directive sur les déclarations d’opérations douteuses de CANAFENote de bas de page 6 contient des instructions plus complètes et d'autres indicateurs pouvant être utiles, soit en tant qu'éléments déclencheurs initiaux, soit en tant que complément aux indicateurs énumérés dans la présente Alerte opérationnelle.
Les entités déclarantes doivent prendre en considération les indicateurs présentés dans la prochaine section afin de mieux reconnaître et évaluer les opérations financières douteuses liées à la RPDC qu'elles doivent déclarer. CANAFE utilisera ces indicateurs, en plus d'autres sources d'information, pour évaluer dans quelle mesure les entités déclarantes respectent leurs obligations en matière de déclaration. Les entités déclarantes doivent de surcroît élaborer et tenir à jour un programme de formation qui favorise la transmission de déclarations d'opérations douteuses de haute qualité sur toutes les activités de blanchiment de fonds illicites.
Indicateurs de BA/FAT liés à la RPDC
Les éléments suivants peuvent indiquer qu'il s'agit d'une opération financière pour laquelle il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu'elle pourrait être liée à la perpétration d'une infraction de BA/FAT, plus particulièrement en ce qui a trait au blanchiment de produits découlant d'activités visées par les sanctions imposées à la RPDC :
Opérations liées à des entreprises fictives ou de façade : Les entités et les personnes de la Corée du Nord ont fait appel à des entreprises fictives et de façade dans divers pays afin de masquer leur participation au système financier internationalNote de bas de page 7. Ces entreprises peuvent présenter les caractéristiques suivantes :
- L'entreprise n'a aucune présence en ligne, par exemple un site Web d'entreprise comportant des informations sur des activités commerciales normales, y compris sur des produits et services, des coordonnées et un emplacement géographique physique.
- La dénomination sociale de l'entreprise est trop générale, non descriptive ou peut être facilement confondue avec celle d'une autre entreprise mieux connue. De plus, la dénomination sociale de l'entreprise est souvent écrite par erreur de différentes façons.
- L'entreprise a l'habitude de transmettre des virements électroniques de fonds à des entreprises canadiennes qui exercent des activités dans des secteurs ou des industries qui n'ont aucun lien entre eux, ou d'en recevoir de telles entreprises.
- Les opérations dans le compte de l'entreprise sont unidirectionnelles, par exemple l'entreprise transmet toujours des fonds sans jamais en recevoir, ou vice versa.
- Les particularités des opérations (p. ex. transmission de fonds) et les destinataires sont toujours les mêmes, mais l'entreprise étrangère qui demande les opérations change au fil des années, en particulier si les entreprises qui transmettent les fonds sont situées dans le même pays ou région géographique.
Opérations liées à des territoires particuliers : Selon un rapport, des entités et des personnes de la Corée du Nord ont eu accès au système financier international à partir de territoires particuliersNote de bas de page 8. Les opérations à destination et en provenance des territoires mentionnés ci-après (liste non exhaustive), doivent être prises en considération, en plus d'autres indicateurs, au moment de déterminer s'il y a lieu ou non de déclarer une opération douteuse à CANAFE :
- La province de Liaoning, en Chine partage une frontière terrestre avec la Corée du Nord, et des entreprises et des institutions financières dans cette province se seraient livrées à des activités financières et à d'autres activités commerciales avec des entreprises de la Corée du Nord et des entreprises de façade établie sen Chine (voir l'annexe I pour obtenir une liste des villes dans la province de Liaoning)Note de bas de page 9. CANAFE signale également qu'il a reçu un nombre considérable de déclarations portant sur des télévirements liés au Canada vers un certain nombre de ces villes, en particulier Dalian et Shenyang, en Chine.
- La province de Jilin, en Chine partage une frontière terrestre avec la Corée du Nord, et serait liée à des entreprises qui emploient des travailleurs invités de la Corée du Nord dans le secteur manufacturier et celui de la transformation des alimentsNote de bas de page 10. CANAFE signale qu'il a reçu un nombre considérable de déclarations portant sur des télévirements à destination de Changchun, la capitale de la province de Jilin (voir l'annexe I pour obtenir une liste des villes dans la province de Jilin).
- Des liens ont aussi été établis entre Hong Kong et des activités financières de la Corée du Nord. Si cela n'est pas totalement inattendu puisque Hong Kong est un grand centre financier mondial, il n'en demeure pas moins que les opérations à destination et en provenance de Hong Kong qui révèlent d'autres indicateurs, en particulier celles laissant entendre l'utilisation d'entreprises fictives, peuvent nécessiter une surveillance accrue.
La présente Alerte opérationnelle fournit des directives précises aux entités déclarantes canadiennes au sujet d'indicateurs et de territoires pouvant être liés à l'utilisation par la Corée du Nord du système financier international pour blanchir des produits découlant d'activités visées par les sanctions en place. Bien qu'elles ne constituent pas en soi un risque élevé, les opérations en provenance ou à destination de ces territoires, jumelées à d'autres indicateurs comme ceux susmentionnés, devraient être considérées comme présentant un risque élevé. Dans un tel cas, l'entité déclarante doit transmettre une déclaration d'opérations douteuses ou de tentative d'opération douteuse lorsqu'elle satisfait au critère des motifs raisonnables de soupçonner.
CANAFE rappelle à toutes les entités déclarantes assujetties à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et aux règlements connexes qu'elles sont tenuesNote de bas de page 11 de déclarer les opérations douteuses et les tentatives d'opération douteuse si elles ont des motifs raisonnables de soupçonner qu'elles sont liées à une infraction de financement des activités terroristes (ou de blanchiment d'argent)Note de bas de page 12.
Pour communiquer avec nous
Veuillez inscrire « Alerte opérationnelle » et le numéro de référence du document dans l'objet de votre communication avec CANAFE et toute déclaration d'opérations douteuses (DOD) et déclaration de biens appartenant à un groupe terroriste (DBGT) connexes à transmettre à CANAFE :
- Par courriel : guidelines-lignesdirectrices@canafe-fintrac.gc.ca
- Par télécopieur : 613-943-7931
- Par la poste : CANAFE, 234, avenue Laurier Ouest, 24e étage, Ottawa (Ontario) K1P 1H7
- Par téléphone : 1-866-346-8722 (sans frais)
Annexe I
Villes principales – Province de Liaoning, Chine
- Shenyang
- Dalian
- Anshan
- Liaoyang
- Fushun
- Dandong
- Jinzhou
- Yingkou
Villes principales – Province de Jilin, Chine
- Changchun
- Ville de Jilin
- Siping
- Liaoyuan
- Tonghua
- Songyuan
- Baicheng
- Yanbian
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