Alerte opérationnelle : Blanchiment d'argent professionnel au moyen d'entreprises commerciales et de services monétaires
Numéro de référence : 18/19-SIDEL-025
Le 18 juillet 2018
Les blanchisseurs d'argent professionnels sont des intervenants particulièrement habiles qui se livrent à des activités de blanchiment d'argent de grande envergure pour le compte de groupes du crime organisé transnational, par exemple des cartels de la drogue, des bandes de motards et des organisations traditionnelles du crime organisé. Ils vendent leurs services à ces groupes et sont impliqués dans la plupart des stratagèmes de blanchiment d'argent sophistiqués; ils ne sont ni des membres des groupes responsables des infractions sous-jacentes qui permettent de générer des produits illicites ni des participants à celles-ci. Par conséquent, ils présentent un défi unique en matière d'identification.
S'il est vrai que les blanchisseurs d'argent professionnels peuvent être des comptables, des banquiers ou des avocats, il reste que les renseignements financiers actuels laissent entendre qu'il s'agit souvent de propriétaires d'entreprises commerciales ou de services monétaires ou de personnes qui entretiennent des liens avec ceux-ci. Les blanchisseurs d'argent professionnels utilisent leur profession et leurs connaissances ainsi que l'infrastructure de leur domaine de travail et de leurs réseaux pour faciliter le blanchiment d'argent et donner aux activités des criminels et des organisations criminelles une apparence de légitimité.
La présente Alerte opérationnelle contient des indicateurs liés au blanchiment d'argent effectué par l'entremise d'entreprises commerciales ou de services monétaires. Les entités assujetties aux exigences de CANAFE en matière de déclaration devraient utiliser ces indicateurs isolément ou en complémentarité afin de repérer les éventuelles activités de blanchiment d'argent professionnel. Les entités déclarantes devraient également se servir de ces indicateurs de concert avec une approche axée sur les risques et d'autres indicateurs de blanchiment d'argent. Les institutions financières sont particulièrement bien placées pour repérer les opérations financières douteuses pouvant être liées au blanchiment d'argent professionnel qui doivent être déclarées. CANAFE se sert de ces indicateurs, en plus d'autres sources d'information, pour évaluer dans quelle mesure les entités déclarantes s'acquittent de leurs obligations en matière de déclaration.
Blanchiment d'argent par voies commerciales
Les blanchisseurs d'argent professionnels ont recours à des opérations commerciales pour donner une apparence légitime aux produits de la criminalité, et les transférer d'un pays à l'autre ou les convertir en une autre devise. À cet effet, CANAFE a observé deux stratagèmes principaux.
- Des stratagèmes liés à de faux documents d'expédition, de douane ou de financement commercial, notamment les suivants :
- cargaisons fantômes : transférer des fonds pour l'achat de marchandises qui ne sont jamais expédiées, reçues ou qui n'ont aucun document à l'appui;
- description erronée des marchandises et des services : description erronée de la qualité, de la quantité ou du type de marchandises ou de services vendus;
- factures multiples : paiements multiples d'une seule facture;
- surfacturation et sous-facturation : facturation des marchandises ou des services à un prix inférieur ou supérieur à la valeur marchande afin de faciliter le déplacement de fonds ou d'une valeur quelconque d'un exportateur à un importateur, ou vice versa.
- Des stratagèmes liés à la négociation de pesos sur le marché noir qui fonctionnent de la manière suivante :
- les groupes du crime organisé transnational, par exemple les cartels de la drogue colombiens ou mexicains, introduisent des produits de la criminalité dans le système financier des États-Unis au moyen de dépôts en dollars américains fractionnés (dépôts organisés de façon à contourner les exigences relatives à la tenue de documents ou à la déclaration);
- un importateur colombien ou mexicain obtient ces dollars en échange de pesos auprès de courtiers complices;
- l'importateur utilise les fonds américains pour acheter des marchandises qui sont par la suite expédiées en Colombie ou au Mexique;
- les courtiers remettent ensuite les pesos reçus de l'importateur au cartel.
Il existe de nombreuses variantes liées à la négociation de pesos sur le marché noir—qui est essentiellement une forme d'opérations de change non enregistrée—impliquant des endroits autres que l'Amérique latine, d'autres groupes criminels ou d'autres devises dans le monde (bien que le dollar américain soit le plus courant). Voici les variantes les plus fréquemment observées par CANAFE :
- Les courtiers transmettent par télévirement des fonds soupçonnés d'être illicites de l'Amérique latine ou des États-Unis à des entreprises commerciales, des grossistes, des négociants ou des courtiers canadiens et, dans une moindre mesure, des passeurs de fonds. Ces entités transfèrent par la suite les fonds à des entités dans de nombreux pays, dont la Chine, Hong Kong et les États-Unis pour payer des marchandises.
- Les courtiers transmettent par télévirement les fonds soupçonnés d'être illicites de l'Amérique latine à divers types d'entités établies aux États-Unis et à des entreprises commerciales situées en Chine ou à Hong Kong par l'entremise d'une institution financière canadienne qui agit à titre de correspondant bancaire.
Indicateurs de blanchiment d'argent par voies commerciales par des réseaux de blanchiment d'argent professionnels
- L'entité est une petite ou moyenne entreprise d'importation/exportation, un grossiste, un négociant ou un courtier canadien menant ses activités dans un secteur qui fait le commerce de gros de marchandises en forte demande à des prix variables, y compris des produits agroalimentaires, textiles et électroniques, des jouets, du bois d'œuvre, du papier, de l'équipement automobile et de la machinerie lourde.
- L'entité exerce des activités ou possède un modèle d'affaires qui sortent de l'ordinaire pour ce secteur, ou ne se livre à aucune activité au Canada. Il peut être aussi difficile de confirmer la nature exacte des activités.
- L'entité fait affaire avec un grand nombre d'entités qui se livrent à des activités liées aux secteurs susmentionnés ou dont les noms portent à croire qu'elles mènent des activités dans un vaste ensemble de secteurs sans lien, et exerce également certaines ou l'ensemble des activités suivantes :
- reçoit soudainement une grande quantité de télévirements;
- demande des télévirements pour le compte d'entreprises commerciales ou de personnes en Chine ou à Hong Kong et reçoit des télévirements des États-Unis et de pays de l'Amérique latine;
- demande des télévirements pour le compte d'entités ou de personnes aux États-Unis, au Mexique ou dans des pays de l'Amérique latine et en reçoit des États-Unis;
- demande des télévirements destinés à des entités qui détiennent un compte bancaire en Lettonie ou à Chypre et qui ont des adresses au Royaume-Uni, à Chypre, aux îles Vierges britanniques, au Panama, aux Seychelles, au Belize, aux Îles Marshall ou dans d'autres centres financiers à l'étranger, ou en reçoit de telles entités;
- effectue ou reçoit des paiements pour des marchandises de montants arrondis ou par tranches approximatives de 50 000 dollars américains.
- Une entreprise commerciale établie aux Émirats arabes unis demande des télévirements pour le compte de personnes ou d'entités au Canada.
- Les comptes d'affaires en dollars américains d'une entité détenus au Canada semblent être des comptes de transit, c'est-à-dire des comptes où les fonds sont déposés, puis immédiatement retirés ou transférés.
- Une entité importe des devises (en grande partie des dollars américains) de pays de l'Amérique latine.
- Une entité effectue d'importants achats auprès d'entreprises par carte de crédit qui sont financés par des paiements en trop.
- Une personne émet des chèques, achète des traites bancaires ou demande des télévirements à partir du compte d'un professionnel du droit pour effectuer des paiements liés à des opérations commerciales.
Entreprises de services monétaires
Les entreprises de services monétaires offrent aux Canadiens et à des clients à l'étranger une vaste gamme de services financiers uniques et très utiles. Cependant, le secteur doit faire face à des défis et à des risques uniques en ce qui a trait au blanchiment d'argent. La plupart des entreprises de services monétaires se livrent à des activités légitimes, mais certaines d'entre elles permettent à des blanchisseurs d'argent professionnels d'utiliser leurs services en leur offrant leur pleine collaboration. D'autres ferment les yeux sur le fait qu'ils fournissent des services à des criminels. Les blanchisseurs d'argent professionnels qui sont propriétaires d'entreprises de services monétaires ou qui sont liés à de telles entreprises s'en servent pour placer et transférer des fonds illicites.
Indicateurs de blanchiment d'argent professionnel au moyen d'entreprises de services monétaires
- Une entreprise de services monétaires canadienne se livre à certaines ou à l'ensemble des activités suivantes :
- reçoit soudainement d'importants télévirements ou dépôts en espèces qui sont suivis d'un nombre accru de télévirements, de chèques et de traites bancaires destinés à plusieurs tiers sans lien pour des prêts ou des placements, ou à la personne qui effectue l'opération;
- demande de nombreuses opérations de change liées à des dollars canadiens ou américains et/ou des euros;
- fait affaire en grande partie avec l'Iran ou d'autres pays soumis à des sanctions, les Émirats arabes unis, le Koweït, Hong Kong, la Chine ou des pays ayant en place des contrôles de capitaux internes, ou en passant par de tels pays;
- reçoit des télévirements de bureaux de change et d'entreprises commerciales établis dans les pays susmentionnés pour des transactions immobilières, des prêts ou des placements.
- Un propriétaire, un associé ou un employé d'une entreprise de services monétaires effectue certaines ou l'ensemble des activités suivantes :
- effectue dans son compte personnel des activités semblables à celles d'une entreprise de services monétaires;
- tente de contourner les obligations en matière de déclaration lorsqu'il effectue des opérations de change pour le compte d'une autre entreprise de services monétaires;
- fournit plusieurs professions, adresses et/ou numéros de téléphone aux institutions financières ou en ligne;
- indique qu'il travaille comme consultant en immigration, qu'il est étudiant, qu'il est une personne au foyer ou qu'il est sans emploi;
- vit au-dessus de ses moyens (c'est-à-dire qu'il achète des biens immobiliers à des prix dépassant ce qu'il peut raisonnablement se permettre d'après le revenu indiqué);
- tente de fermer ses comptes pour ne pas avoir à répondre à des questions dans le cadre du processus de diligence raisonnable;
- reçoit des télévirements de l'étranger et des transferts provenant de plusieurs sources dans des comptes à de nombreuses banques ou caisses d'épargne ou de crédit, puis vide ses comptes au moyen de traites bancaires libellées à son nom ou pour des achats de biens immobiliers;
- effectue le même jour d'importants dépôts en espèces fractionnés dans le même compte à plusieurs emplacements;
- est un client de nombreuses banques ou caisses d'épargne ou de crédit, et rachète de nombreuses traites bancaires libellées à son nom et émises par diverses institutions financières.
- Une entreprise d'importation/exportation canadienne réalise des activités dans un compte qui ressemblent de près à celles d'une entreprise de services monétaires, notamment les suivantes :
- reçoit un ou deux télévirements de sommes importantes, puis demande plusieurs chèques et traites bancaires libellés à des tiers et à d'autres entreprises;
- reçoit des télévirements de sommes importantes d'Iran, des Émirats arabes unis, du Koweït, de Hong Kong et de la Chine pour couvrir des frais de subsistance, des dépenses ou des frais liés à des pièces de rechange.
Déclaration à CANAFE
Pour faciliter le processus de communication de CANAFE, veuillez inclure le terme #pml dans la Partie G — Description de l'activité douteuse de la déclaration d'opération douteuse. (Consulter également la directive sur les déclarations d’opérations douteuses.)
Contactez CANAFE
- Par courriel : guidelines-lignesdirectrices@canafe-fintrac.gc.ca (veuillez inscrire Alerte opérationnelle 18/19-SIDEL-025 dans l'objet du courriel)
- Par téléphone : 1-866-346-8722 (sans frais)
- Par télécopieur : 613-943-7931
- Par la poste : CANAFE, 234, avenue Laurier Ouest, 24e étage, Ottawa (Ontario), K1P 1H7, Canada
© Sa Majesté la reine du chef du Canada, 2018.
No. de cat. FD4-16/2018F-PDF
ISBN 978-0-660-27308-2
Les alertes opérationnelles de CANAFE contiennent des indicateurs d'opérations financières douteuses et des facteurs de risque élevé à jour liés à des méthodes de blanchiment d'argent et de financement des activités terroristes d'actualité, nouvelles ou qui refont surface.
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