Bulletin spécial sur la COVID-19 : Tendances en matière de blanchiment d’argent et de fraude
Numéro de référence : 20/21-RSRA-006
Juillet 2020
Le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE ou le Centre) s’est engagé à aider les entités déclarantes à gérer, en ces temps sans précédent, les risques associés au blanchiment d’argent et au financement des activités terroristes. En plus des directives et des mesures d’assouplissement temporaires annoncées par CANAFE depuis le 25 mars 2020 (https://www.fintrac-canafe.gc.ca/notices-avis/notices-avis-fra), les entités déclarantes doivent être au fait des tendances en matière de blanchiment d’argent lié à la COVID-19 et des observations à cet effet.
Le présent bulletin spécial se fonde principalement sur une analyse des déclarations d’opérations liées à la COVID-19 réalisée par CANAFE de même que sur une analyse des signalements de fraude faite par le Centre antifraude du Canada. Son contenu met en lumière les secteurs qui pourraient présenter un risque accru de blanchiment d’argent en raison de l’exploitation de la pandémie.
Tendances constatées dans les déclaration d'opérations liées à la COVID-19
Nombre de déclarations reçues
La pandémie de COVID-19 n’a pas eu d’incidence importante sur le nombre global de déclarations d’opérations douteuses (DOD) et de déclarations de télévirements (DT) reçues par CANAFE. Par contre, le nombre de déclarations de déboursements de casinos (DDC) et de déclarations d’opérations importantes en espèces (DOIE) connaît une diminution marquée depuis mars 2020.
La diminution globale du nombre de DOIE découle probablement de la distanciation physique et des mesures mises en place par la santé publique pour contrer la pandémie de COVID-19, qui ont occasionné une baisse générale du nombre d’opérations en espèces et la fermeture de commerces. Parallèlement à cette diminution du nombre de DOIE dans la plupart des secteurs d’activités, on a observé, en mars 2020, une augmentation (86 %) des déclarations transmises par les négociants en métaux précieux et pierres précieuses par rapport au nombre moyen de déclarations enregistré au cours des 12 mois précédents.
La fermeture des casinos ainsi que des centres de jeu dans les communautés partout au Canada a occasionné une diminution considérable des DDC transmises au Centre au cours de la période allant de mars à la fin de mai 2020.
Observations concernant les déclarations d’opérations douteuses
Dans son analyse des DOD faisant mention de la COVID-19, CANAFE a d’abord relevé des soupçons généraux de blanchiment d’argent suscités par la nature des opérations effectuées, de même que des soupçons de recyclage des produits de la fraude. Ces observations concordent avec les conclusions des unités du renseignement financier étrangères.
La pandémie de COVID-19 est une situation inédite qui pourrait entraîner la tenue d’activités inhabituelles liées aux opérations. En ces temps particuliers, il peut arriver que des activités inusitées soient menées pour répondre à un besoin légitime d’accéder à des services financiers. Cela dit, certains individus pourraient tenter de profiter de la situation actuelle pour entreprendre ou faciliter le blanchiment d’argent. La pandémie de COVID-19 de même que les fermetures et les mesures de distanciation physique qui y sont associées ont perturbé certaines façons de faire dans le domaine du blanchiment d’argent, particulièrement les méthodes comportant l’injection d’argent illicite dans des entreprises dont les opérations sont habituellement réglées en espèces. Ces circonstances pourraient rendre visibles les criminels à la recherche d’autres stratagèmes permettant d’intégrer des produits illicites au système financier.
Les caractéristiques des DOD liées à la COVID-19 énumérées ci-dessous ne dénotent pas nécessairement des activités de blanchiment d’argent et doivent être examinées parallèlement à d’autres indicateurs de risque.
- Les répercussions de la COVID-19 sont fournies comme explication à ce qui suit :
- Opérations inhabituelles ou ne cadrant pas avec le profil financier du client.
- Incapacité à répondre aux demandes de renseignements additionnels présentées par les entités déclarantes au sujet des activités financières du client.
- Des opérations effectuées par des individus semblent incompatibles avec le contexte de la pandémie :
- Échanges de sommes importantes en devises étrangères à des fins nébuleuses, ou encore à des fins liées au voyage qui, vu la pandémie de COVID-19, ne sont pas plausibles.
- Dépôts de sommes importantes en espèces dont la provenance n’est ni claire ni plausible vu la pandémie.
- Des opérations impliquant des comptes d’entreprise semblent incompatibles avec le contexte de la pandémie :
- Explications fournies pour les opérations considérées comme peu probables vu le profil d’affaires du modèle d’activité et les effets prévus de la pandémie de COVID-19 sur ce dernier (p. ex. restaurants, bars, salles de conditionnement physique, voyagistes).
- Dépôts inhabituels de sommes importantes en espèces dans des comptes d’entreprise, particulièrement dans les secteurs les plus touchés par la pandémie de COVID-19 ou considérés comme inusités pour tout type d’entreprise.
- Activités pouvant supposer du blanchiment d’argent issu de la fraude ou des tentatives illégales d’exploiter la pandémie :
- Opérations douteuses ou inhabituelles impliquant la vente ou l’acquisition d’équipements de protection individuels ou d’autres articles médicaux ou d’hygiène pour lesquels la demande est élevée en raison de la pandémie de COVID-19. Les opérations peuvent impliquer l’achat de petites quantités d’articles par des individus ou l’approvisionnement à grande échelle par une organisation.
- Opérations pouvant être liées aux variations, dues à la COVID-19, des stratagèmes frauduleux réalisés au moyen du marketing de masse.
- Retraits en espèces pouvant supposer des activités frauduleuses ayant fait des victimes ou le recyclage de produits de la fraude comportant souvent l’utilisation de porteurs d’argent ayant déjà été victimes d’actes criminels.
Tendances en matière de fraude liée à la COVID-19
L’analyse de CANAFE des déclarations d’opérations financières et des signalements de fraude liées à la COVID-19 au Centre antifraude du Canada fait ressortir des tendances générales en matière de blanchiment d’argent et de fraude dans le contexte de la COVID-19, qui concordent avec les tendances considérées comme répandues par les organismes internationaux et les unités du renseignement financier étrangers.
La pandémie de COVID-19 a des répercussions importantes sur l’économie mondiale. Même s’il est encore trop tôt pour déterminer si elle influera sur le mode opératoire des acteurs du blanchiment d’argent et, le cas échéant, comment elle le fera, il est possible d’affirmer que la crise de la COVID-19 a une incidence considérable sur le crime organisé en créant d’importantes possibilités, nouvelles ou élargies, de perpétration de la fraude.
Par exemple, la pandémie fournit aux criminels de nouvelles opportunités dans la sphère des monnaies virtuelles au Canada et dans le monde. Des individus impliqués dans la contrefaçon se sont tournés vers la vente de fausses trousses de dépistage de la COVID-19 et d’articles pharmaceutiques factices. Ils offrent également, sur Internet et sur l’Internet caché, des conseils non approuvés et souvent faux sur le traitement de la maladie moyennant des opérations en monnaie virtuelle.
En outre, l’utilisation accrue de services en ligne pendant la pandémie augmente les risques de cybercriminalité. Les cybercriminels tirent profit de la situation actuelle pour viser des personnes, des entreprises et des entités au moyen de stratagèmes bien connus de chantage ou d’hameçonnage adaptés à la COVID-19. De plus en plus, ces manœuvres frauduleuses incitent les victimes à envoyer de la monnaie virtuelle pour faire un don ou payer une rançon.
Il est fort probable que les tendances générales habituellement observées dans le monde du blanchiment d’argent et de la fraude, notamment l’usage de plus en plus fréquent de la monnaie virtuelle, le recours à des porteurs d’argent (qui sont souvent des victimes) et l’utilisation de produits et de services offerts par les institutions financières, le seront également dans le blanchiment des produits de la fraude dans le contexte de la COVID-19.
Sommaire du signalement de fraude liées à la COVID-19
La COVID-19 a entraîné une augmentation de certains types de fraude, que les criminels ont adaptés en modifiant des stratagèmes éprouvés. Les signalements au Centre antifraude du Canada indiquent une augmentation de l’utilisation de la monnaie virtuelle et des méthodes de paiement traditionnelles offertes par les institutions financières (p. ex. cartes de crédit, transferts électroniques de fonds et télévirements). La section ci-dessous fait état des stratagèmes d’hameçonnage, de fraude d’identité et de fraudes liées à la vente et à la contrefaçon de marchandises qui ont été signalés de au Centre antifraude du Canada. Ces stratagèmes représentent 80 % des fraudes liées à la COVID-19 signalées au Centre antifraude.
Les fraudes liées à la vente et à la contrefaçon de marchandises dans le contexte de la COVID-19 comptent les offres d’approvisionnement en masques et d’autres équipements de protection individuels, de trousses de dépistage de la COVID-19, ainsi que de médicaments et de traitements non approuvés. Du nombre total de signalements de fraude liée aux marchandises transmis par des victimes au Centre antifraude, 62 % impliquent des personnes ayant acheté des masques, mais n’ayant pas reçu les articles en question, ou ayant reçu un nombre d’articles inférieur au nombre commandé ou des articles contrefaits; 18 % impliquent des fournisseurs d’équipements de protection individuels de tous genres (p. ex. blouses, masques, gants, gel désinfectant) dont les clients n’ont rien reçu du tout, ou ont reçu un nombre d’articles inférieur au nombre commandé ou des articles contrefaits.
Indicateurs de fraude liée à la vente et à la contrefaçon de marchandises dans le contexte de la COVID-19
- Commerçants faisant la vente de trousses de dépistage de la COVID-19, de médicaments et de traitements, et offrant des services de décontamination résidentiels.
- Opérations comprenant la vente et l’achat d’équipements de protection individuels ou d’autres articles médicaux ou d’hygiène pour lesquels la demande est élevée en raison de la pandémie de COVID-19, mais qui sont vendus à des prix considérablement réduits.
- Client qui paie en monnaie virtuelle ou qui transfère des fonds à un tiers qui n’a aucun lien avec lui, surtout dans des territoires présentant un risque élevé.
- Apparition soudaine ou nombre élevé de transferts électroniques de fonds dans des comptes bancaires de clients qui affirment travailler dans le domaine du commerce électronique (également appelé commerce Internet ou commerce en ligne). Dès leur réception, les fonds sont épuisés ou transférés dans un autre compte.
- Utilisation de comptes bancaires personnels à des fins commerciales, particulièrement les comptes liés à des plateformes de commerce électronique.
Les fraudes d’hameçonnage comprennent les appels téléphoniques, les courriels et les messages textes envoyés par des criminels qui prétendent être liés, par exemple, aux programmes de prestations d’assurance-emploi ou de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) ou encore à l’Agence de la santé publique du Canada. Les victimes reçoivent l’instruction de cliquer sur un lien ou d’ouvrir un fichier joint pouvant contenir un maliciel ou les conduire à des sites Web factices qui leur demanderont de fournir leurs renseignements personnels ou financiers. La majorité des signalements transmis au Centre antifraude appartenant à la catégorie de la fraude d’identité font état de l’utilisation des renseignements personnels des victimes pour la soumission d’une demande à la PCU.
Indicateurs de fraude d’identité et de fraude liée aux prestations d’urgence dans le contexte de la COVID-19
- Augmentation soudaine des opérations importantes dans des comptes de clients dont le solde est faible ou dont les activités financières antérieures sont limitées, ou les deux, ou qui impliquent un paiement à un bénéficiaire auquel les clients n’ont jamais fait de paiement ou avec lequel ils n’ont jamais entretenu de relations d’affaires. Cette augmentation des opérations peut indiquer de la fraude ayant fait des victimes ou du recyclage de produits de la fraude.
- Ouverture récente de comptes de bénéficiaires de la PCU où ne figurent pas d’opérations commerciales associées aux dépenses quotidiennes.
- Ouverture de comptes bancaires durant la pandémie à une adresse qui n’est pas le lieu de résidence du client.
- Retrait par le client de tous les paiements de la PCU déposés dans son compte ou transfert de ces prestations dans un autre compte immédiatement après leur réception ou après une période d’inactivité.
Comme la pandémie se poursuit, le Centre antifraude du Canada estime que la conjoncture financière difficile qui frappe les entreprises et les citoyens canadiens produira probablement d’autres victimes. Il faut s’attendre à ce que les fraudes liées aux prêts, à la consolidation des dettes et aux investissements augmentent. De plus, les fraudes visant les cyberdépendants telles que le harponnage, les rançongiciels et autres campagnes d’hameçonnage, qui tirent profit de l’accroissement des activités en ligne des Canadiens (p. ex. le télétravail), seront également, selon toute vraisemblance, à la hausse.
Présenter une déclaration à CANAFE
Pour obtenir des directives sur la transmission à CANAFE de déclarations d’opérations douteuses, consultez la page Déclaration d'opérations douteuses à CANAFE.
Signaler une fraude au Centre antifraude du Canada
www.centreantifraude-antifraudcentre.ca
Joindre CANAFE
- Par courriel : guidelines-lignesdirectrices@fintrac-canafe.gc.ca (indiquez bulletin spécial 20/21-RSRA-006) dans la ligne d’objet)
- Par téléphone : 1-866-346-8722 (sans frais)
- Par télécopieur : 613-943-7931
- Par la poste : CANAFE, 234, avenue Laurier Ouest, 24e étage, Ottawa (Ontario) K1P 1H7, Canada
Les bulletins spéciaux de CANAFE fournissent des informations sur les méthodes de blanchiment d’argent et de financement des activités terroristes nouvelles, émergentes ou particulièrement d’actualité. Ces bulletins ne constituent pas toutefois des avis juridiques. Veuillez consulter la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et ses règlements pour obtenir une description complète des obligations que doivent remplir les entités déclarantes.
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