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Pénalité administrative pécuniaire imposée à la Banque de change du Canada

Du : Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE)

[2024-12-11]

La Banque de change du Canada (la Banque), une banque dont le siège social est situé à Toronto, en Ontario, s’est vu imposer une pénalité administrative pécuniaire de 2 457 750 $ le 5 novembre 2024 pour avoir commis 3 violations. Les violations ont été constatées dans le cadre d’un examen de conformité réalisé entre décembre 2022 et avril 2024. Cette pénalité a été imposée pour des violations commises par la Banque selon la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et ses règlements connexes. La Banque a déposé un avis d’appel.

L’examen de CANAFE a permis de déterminer que, pour la période visée, la Banque a omis d’élaborer et de mettre en œuvre un programme de conformité efficace de lutte contre le BA et le FAT fondé sur son modèle d’affaires et sa portée mondiale. Le programme de conformité de la Banque n’a pas suffisamment atteint un niveau de maturité acceptable pour un certain nombre de ses piliers clés, comme le démontrent les lacunes soulevées concernant la supervision de l’agent principal de la lutte contre le recyclage des produits de la criminalité (APLRPC), le contrôle des opérations, les pratiques d’enquête sur les cas et le contrôle continu des relations d’affaires présentant un risque élevé.

Nature de la violation

Violation no 1

Fait de ne pas déclarer des opérations financières effectuées dans le cadre de ses activités et à l’égard desquelles il y a des motifs raisonnables de soupçonner qu’elles sont liées à la perpétration, réelle ou tentée, d’une infraction de blanchiment d’argent ou de financement des activités terroristes, ce qui est contraire à l’article 7 de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et au paragraphe 9(1) du Règlement sur la déclaration des opérations douteuses — recyclage des produits de la criminalité et financement des activités terroristes

La Banque de change du Canada (la Banque) a omis de soumettre 5 déclarations d’opérations douteuses (DOD) à l’égard des 26 dossiers examinés pour lesquels la Banque avait des motifs raisonnables de soupçonner qu’une ou plusieurs opérations étaient liées à la perpétration, réelle ou tentée, d’une infraction de blanchiment d’argent (BA) ou de financement des activités terroristes (FAT). L’examen de CANAFE a soulevé des lacunes dans l’application des processus d’examen des opérations inhabituelles de la Banque, et a révélé un certain nombre de références de sources ouvertes qui n’ont pas été prises en considération lors des enquêtes de la Banque sur ses clients présentant un risque élevé.

Les 5 cas de non-conformité représentent environ 20 % des dossiers examinés, ce qui constitue une faille importante dans le renseignement de CANAFE. Ces 5 cas vont comme suit :

  • Cas où la Banque n’a pas pris en compte les risques accrus associés à ses relations d’affaires présentant un risque élevé dans des territoires connus pour leur risque élevé d’infractions de BA et de FAT, malgré l’existence d’indicateurs pertinents. Par exemple, un client a effectué des opérations représentant des millions en dollars américains au cours de la période visée. La majorité des fonds ont été versés dans des comptes de dépôt auprès de la Banque, puis rapidement transférés par virements vers des comptes de correspondant du client dans un pays connu pour sa grande vulnérabilité au BA et au FAT. L’examen de la Banque a omis de considérer les multiples indicateurs de BA et de FAT présents, comme des opérations inutilement complexes par rapport au but déclaré, et de rapides mouvements de fonds entrants et sortants au moyen d’espèces et de méthodes de virement. Les moyens employés pour déplacer les fonds dans les cas soulevés correspondent à une typologie de techniques de BA bien connues que décrit le rapport de 2025 du Groupe d’action financière (GAFI) intitulé Money Laundering Through the Physical Transportation of Cash.
  • Cas où la Banque a clos des enquêtes sans effectuer un examen adéquat des opérations des clients par rapport aux indicateurs de BA et de FAT présents, comme en ne validant pas certains renseignements utilisés pour justifier la fin de l’enquête. Par exemple, les opérations d’un client présentant un risque élevé dépassaient de dix fois le volume hebdomadaire attendu et totalisaient des millions en dollars américains sur une période d’un an. Chaque alerte et examen de contrôle mensuel des opérations de la Banque ont relevé l’écart important avec les activités attendues, mais les examens ont été clos sans considérer ou remettre en doute les raisons du changement soudain des activités du client ou des opérations attendues.
  • Cas où la Banque a clos un examen sur un client présentant un risque élevé sans considérer les opérations par rapport aux indicateurs de BA et de FAT pertinents, comme l’existence d’un article de presse négatif pertinent. De plus, la Banque a omis d’obtenir des détails supplémentaires sur la source des fonds du client, malgré le contexte exposé dans l’article de presse négatif.

L’examen de CANAFE a permis de constater que les alertes générées par le système automatisé et les règles de contrôle des opérations (CO) de la Banque étaient inefficaces en vue d’aider la Banque à enquêter sur les opérations douteuses, à les évaluer et à, ultimement, les déclarer en temps opportun. La majorité des alertes était de faux positifs ou ne fournissait pas d’indication significative de risque accru et nuisait à la capacité de la Banque à reconnaître les activités et opérations douteuses.

Le fait d’omettre complètement de soumettre une DOD (tort de niveau 1) est le cas le plus grave de non-conformité, car cela entraîne une perte totale de renseignements financiers, puisque CANAFE ne peut pas analyser la déclaration en vue de produire du renseignement financier qui pourrait être communiqué aux fins d’enquête et de poursuites pour des infractions de BA et de FAT. La violation no 1 est considérée comme très grave selon la réglementation. La pénalité imposée tient compte des critères de l’article 73.11 de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et de l’article 6 du Règlement sur les pénalités administratives — recyclage des produits de la criminalité et financement des activités terroristes.

Violation no 2

Fait de ne pas effectuer un contrôle continu périodique compte tenu de l’évaluation des risques prévue au paragraphe 9.6(2) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes mené conformément au paragraphe 156(1)c) du Règlement sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, ce qui est contraire à l’article 123.1 du Règlement sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes

L’examen de CANAFE a permis d’évaluer 26 dossiers pour lesquels 17 clients étaient des relations d’affaires présentant un risque élevé avec la Banque. CANAFE a observé 8 cas parmi les 26 dossiers pour lesquels la Banque a omis d’effectuer le contrôle continu prescrit de ses relations d’affaires. CANAFE a aussi cerné de possibles améliorations à apporter à l’égard de la fréquence des examens périodiques de la Banque.

Les 8 cas incluent tous ceux de la violation no 1 pour laquelle la Banque n’a pas effectué un examen et un contrôle suffisants des activités d’un client pour déterminer si les opérations étaient cohérentes par rapport à l’information obtenue et l’évaluation des risques du client. L’examen des dossiers par CANAFE a révélé un problème systémique dans les processus de contrôle continu de la Banque. Plus précisément, la Banque a omis d’évaluer l’ensemble des comptes, soldes et opérations ayant une pertinence pour ses enquêtes avant de les clore. Cette lacune a eu une incidence directe sur la capacité de la Banque à évaluer si le seuil de motifs raisonnables de soupçonner (MRS) a été atteint ou non, faisant en sorte que des DOD n’ont pas été soumises.

D’ailleurs, l’examen de CANAFE a permis de constater que, bien que la Banque ait élaboré et consigné ses mesures de diligence raisonnable accrues (DRA) pour ses clients présentant un risque élevé, une analyse des dossiers a révélé des cas où l’information de DRA recueillie auprès des clients n’a pas servi lors du processus de contrôle continu.

Finalement, CANAFE a remarqué que les règles et alertes de contrôle des opérations (CO) automatisé de la Banque étaient inefficaces pour les enquêtes, les évaluations et la soumission de DOD en temps opportun. Les problèmes suivants ont été notés :

  • Le système de CO de la Banque ne portait pas sur l’entièreté des produits et services de la Banque.
  • Le système de CO de la Banque n’avertissait pas correctement la Banque des variations du volume d’un client, ce qui nuisait à la capacité de la Banque à repérer les activités et opérations douteuses.
  • Le système de CO de la Banque ne comprenait pas suffisamment d’indicateurs de BA et de FAT.

La cause des problèmes susmentionnés était liée à des tests et ajustements inadéquats des règles garantissant l’efficacité du CO.

L’exigence de réaliser un contrôle continu d’une relation d’affaires vise à protéger les entités déclarantes et le système financier du Canada contre le BA et le FAT. Lorsqu’une entité déclarante omet d’effectuer un contrôle continu de relations d’affaires, elle n’est pas informée des changements intervenus dans les opérations, les activités et la situation des clients, en particulier ceux qui peuvent présenter un risque élevé de BA et de FAT. Par conséquent, cette absence d’information à jour chez une entité déclarante fait en sorte que les renseignements et l’évaluation des risques des clients ne reflètent pas le degré de risque réel. Cela peut possiblement entraîner une atténuation inefficace des risques et la non-déclaration d’opérations. En outre, lorsque des clients ou relations d’affaires présentant un risque élevé ne sont pas détectés en raison d’un manque de contrôle continu, les activités de l’entité déclarante et le système financier canadien sont possiblement à risque. Lorsqu’un contrôle continu déficient entraîne l’omission de soumettre des DOD, le mandat de CANAFE visant à analyser et à communiquer des renseignements pour aider dans la détection, la prévention et la dissuasion le BA et le FAT s’en trouve affecté.

La violation no 2 est considérée comme mineure selon la réglementation. La pénalité imposée tient compte des critères de l’article 73.11 de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et de l’article 6 du Règlement sur les pénalités administratives — recyclage des produits de la criminalité et financement des activités terroristes.

Violation no 3

Fait de ne pas avoir déclaré la réception d’un montant d’une personne ou entité totalisant 10 000 $ ou plus en espèces en une seule opération, ce qui est contraire au paragraphe 9(1) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et à l’alinéa 7(1)a) et à l’annexe 1 du Règlement sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes

CANAFE a découvert 3 cas où la Banque n’a pas déclaré des opérations importantes en espèces comme l’exige la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et ses règlements connexes. La Banque reconnaît que les opérations importantes en espèces ont été oubliées parce qu’elles avaient été mal classées. Lorsque CANAFE s’est renseigné sur la manière dont la Banque se conforme aux exigences concernant la déclaration des opérations importantes en espèces (DOIE) quand elle reçoit physiquement des billets en dollars américains, CANAFE a obtenu des réponses contradictoires de la Banque au sujet du mouvement de ces billets. Cette situation soulève de grandes préoccupations quant à savoir si la Banque comprend à quel moment et de quelle manière se conformer aux exigences de DOIE.

L’obligation de déclaration d’opérations financière, comme la DOIE, est cruciale à la capacité de CANAFE de produire du renseignement financier pour soutenir les enquêtes et poursuites pour des infractions de BA et de FAT. CANAFE utilise ces déclarations pour brosser un portrait des relations financières entre les personnes et entreprises, et pour identifier les opérations présentant un risque élevé et les tendances en matière de BA et de FAT, ce qui aide CANAFE à repérer les vulnérabilités dans le système financier du Canada.

La violation no 3 est considérée comme mineure selon la réglementation. La pénalité imposée tient compte des critères de l’article 73.11 de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et de l’article 6 du Règlement sur les pénalités administratives — recyclage des produits de la criminalité et financement des activités terroristes.

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